Cette estampe est une vue du glacier des Bois. Ce nom était donné à la partie terminale de la Mer de Glace quand elle descendait jusqu'en fond de vallée. Il s'agissait d'une des attractions principales de Chamonix et il a été abondamment représenté. Néanmoins, Jean-Antoine Linck adopte ici un point de vue original puisqu'il place le spectateur dans une grotte au lieu-dit du Chapeau, créant ainsi une sorte d'écrin à ce paysage grandiose. Les personnages placés au premier plan permettent de donner une échelle au paysage présenté en arrière plan et ils représentent aussi les premiers touristes qui se pressent alors à Chamonix. En effet, au début du 19e siècle, le voyage se démocratise atteignant également les classes bourgeoises de la société. Ceux-ci sont très attirés par le genre du paysage, plus facile à comprendre et à apprécier que la grande peinture d'Histoire. Les artistes organisent donc leur boutique pour répondre à cette demande et l'estampe en est la réponse privilégiée, permettant une production importante. Le quartier Saint-Gervais de Genève, dit La Fabrique, rassemble depuis longtemps des artistes et artisans très spécialisés, notamment dans l'orfèvrerie, l'horlogerie et la bijouterie. Parmi eux, certains sont émailleurs et graveurs de fonds de montre et de nombreux artistes font leur apprentissage dans ces boutiques. Apparaissent alors des ateliers très actifs, comme ceux de la famille Linck, qui forment un petit foyer artistique spécialisé dans l'estampe de paysages. Jean-Antoine Linck est le plus éminent représentant de l'atelier fondé par son père Jean-Conrad où il travaille en collaboration avec son frère, Jean-Philippe. Ses oeuvres connaissent un grand succès au début du 19e siècle et l'amènent à intégrer la Société des Arts de Genève. D'après Ebel dans le "Manuel du voyageur en Suisse" de 1818, cette estampe coutait 18 livres, somme assez importante pour l'époque.