Cette estampe a été réalisée par Adrien Cuvillier, pour le compte des éditeurs genevois Briquet et fils vers 1860. Cuvillier a lithographié de nombreuses vues de Chamonix mais sa carrière est encore méconnue. Au milieu du 19e siècle, la lithographie est une technique très populaire qui permet de reproduire une image à l'infini et qui donne l'illusion d'un dessin au crayon. Des artistes comme Cuvillier sont très prolifiques et la vallée de Chamonix est une des régions les plus représentées en Europe. Celle-ci a été publiée dans l'album « Souvenirs de la Suisse » dans les années 1860. Elle reprend une composition antérieure créée par le dessinateur genevois Jean Du Bois, pendant le second quart du 19e siècle. Au premier plan, comme dans la composition de Jean Du Bois, deux dames montent des mulets en amazone. Ce moyen de locomotion est utilisé dans le village comme en montagne car il facilite l'accès aux sites d'altitude à des touristes n'étant pas nécessairement habitués à la marche sur des chemins accidentés. Ces dames sont accompagnées de guides à pied munis de bâtons de marche. Ils témoignent du tourisme naissant et des voyageurs qui se pressent de plus en plus nombreux au pied du mont Blanc. Au second plan, un village en transition où se côtoient architecture traditionnelle et hôtelière. L'église et le presbytère se détachent à l'écart du village. Les nouveaux aménagement du village s'effectuent d'abord entre l'église et le pont de Cour, à l'emplacement de l'ancien prieuré et de ses dépendances, détruits dans un incendie en 1758. En rive droite, s'élèvent l'hôtel de Londres, construit vers 1787 et l'hôtel de l'Union, fondé en 1816-1817, près du pont de Cour qui relit les deux rives. Il est identifiable grâce son portique néoclassique. D'après la thèse d'Isabelle Madesclaire traitant des Métamorphoses de Chamonix, l'hôtel de l'Union aurait été édifié à l'emplacement d'anciennes possessions du Prieuré de Chamonix, à savoir : la maison du vicaire et la maison communale. Il est intéressant de remarquer que plusieurs détails diffèrent avec la composition de Jean Du Bois. En effet, sur la rive gauche, on observe l'hôtel Royal fondé par Ferdinand Eisenkrammer en 1848. Il achète également l'hôtel de l'Union et fonde un seul établissement hôtelier : l'hôtel Royal et de l'Union. Cette estampe est un témoignage fidèle de la physionomie du village après 1848 et atteste de l’extraordinaire essor touristique que connait Chamonix dans ses aménagements et infrastructures afin de toujours s'adapter aux besoins des touristes et aux nouvelles pratiques de la montagne. En arrière plan, le paysage de la vallée de Chamonix se développe avec le mont Blanc et le glacier des Bossons. Alors que la représentation du village est très réaliste, la perspective adoptée accentue la verticalité des sommets et des glaciers.