Cette photographie a été réalisée par Auguste-Rosalie Bisson lors de l'une de ses premières campagnes à Chamonix en 1858 ou 1859. Elle a ensuite fait l'objet d'un dépôt légal en 1860. Elle représente les séracs du glacier du Géant en amont de la Mer de Glace. Le photographe se place au coeur du glacier, le premier plan est barré par de hauts séracs et l'arrière plan s'élève en contre-plongée jusqu'à la Tour Ronde. Pour la première fois, le spectateur est plongé au coeur des éléments. Comme le souligne Théophile Gautier : "ce que ni l'écrivain, ni l'artiste ne saurait faire, la photographie vient de l'exécuter". Lui, défenseur de la peinture, en vient même à douter des capacités de l'art à représenter la montagne : "Les montagnes semblent jusqu'à présent avoir défié l'art. Est-il possible de les encadrer dans un tableau ? Nous en doutons, même après les toiles de Calame". C'est effectivement dans les décennies suivantes, avec l'apparition des peintres-alpinistes comme Gabriel Loppé que la peinture s'empare de la haute montagne. Le tableau de "la Mer de Glace" de Loppé conservé au musée Alpin adopte le même point de vue, immergé au coeur du glacier. Il faut d'ailleurs souligner que Gabriel Loppé avait accompagné Auguste-Rosalie Bisson en 1861 et a sans doute été influencé par le travail du photographe.